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Le planteur sauvage


Phillipe a la quarantaine et des graines plein les poches. Dans son travail, il touche à tout et restaure des bâtiments et des meubles design. Dans son temps libre, il sème partout et restaure la ville.


"Je ne choisis pas les endroits où planter. Dès que je vois un endroit de terre en friche encore meuble, au pied d'un arbre ou d'un mur, je jette des graines. Quand la terre est trop dammée, c'est terminé, plus rien n'y pousse. Si elle est encore tendre, ça pousse très bien, dans des endroits inattendus. 


Je sème des graines à la volée, rapidement. J'ai toujours un sac de graines sur moi. Il ne faut pas passer beaucoup de temps là-dessus parce-qu'il y a beaucoup de pertes à ce stade. Si tu t'investis en temps et en semences tu déprimes quand les plantes disparaissent, arrachées par des passants ou les services municipaux ou simplement la sècheresse. Ça fait partie du jeu, il faut l'accepter. 























 On ne plante pas pour soi mais pour l'éphémère pour la ville pour les autres ou pour les insectes. Enfin un peu pour soi quand même, quand on repasse quelques mois ou années plus tard et qu'on voit des fleurs.

Les passants sont souvent curieux. Ils posent des questions. Je leur explique. Je leur dit quelles sont les plantes et les encourage à en cueillir. Les échanges ont toujours été positifs.


Je mets beaucoup de graines parce-que les oiseaux vont venir en manger. Ils ont leur part de nourriture. Ils ont un rôle à jouer aussi. Si on sème sans eux il y aura beaucoup de graines qui vont germer en même temps, elles seront trop serrées et vont s'étouffer en poussant. Elles resteront rachitiques.
Il faudrait repasser pour éclaircir, mais c'est trop de travail. Alors que les oiseaux le font, et ils le font beaucoup mieux. Ils arrivent presque tout de suite après qu'on ait semé. Ils vont manger beaucoup de graines, mais en enterrer d'autres avec leurs pattes. 
Je ne sais pas comment, mais ça donne exactement la densité de plantation optimale. Les plantes seront assez espacées pour bien se développer.


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Je sème des graines d'espèces locales que je ramasse en me balladant dans les espaces vertes et les terrains vagues. 

Les plantes pionnières sont les meilleures pour s'adapter aux conditions difficiles de la villes : plantains, rumex, buddleias, euphorbes, graminées, roses trémières... Je grossis la masse avec des graines pour oiseaux. Ce sont les moins chères, on peut en avoir des kilos pour quelques euros. Certaines sont excellentes comme le millet, le fenouil sauvage, le tournesol. 
Certaines fourragères peuvent être achetées en gros ou en magasin bio pour des prix très inférieurs à ce qu'on trouve en jardinerie. La moutarde, le trèfle, la luzerne (alfalfa), le seigle, le sarrasin sont d'excellents engrais verts en plus d'être décoratifs.
C'est important d'acheter des graines bon marché, j'insiste là-dessus. Il y a trop de pertes pour investir de l'argent.


Je repasse environ deux fois par an voir mes plantations : une fois à la fin de l'hiver et une fois au début de l'automne. Enfin dans les endroits dont je me souviens... 
Je coupe les tiges sèches et je les disperse au pied des plantes émergentes. Les anciennes plantes vont protéger les nouvelles qui poussent du froid et du sec. Elles se transformeront au fil du temps en engrais. 
Rien ne se perd..."

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